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je préfère le penser... à mon image :
complexe, éclectique, et forcément fait d'un peu de tout.

samedi 30 mars 2013

Dyscalculie

Je m'intéresse à la question de la dyscalculie et des troubles de l'apprentissage depuis que ma fille aînée a été diagnostiquée dyscalculique en début de CE1. En réalité, je soupçonnais la chose depuis le milieu du CP, mais les réponses de sa maîtresse ayant été totalement ahurissantes, je me suis dit que ce n'était pas auprès d'elle que nous aurions des conseils et qu'il valait peut-être mieux attendre d'avoir un interlocuteur un peu plus à même de l'aider.
Pour être complète, voici la discussion surréaliste que j'ai eue avec l'instit de CP concernant les réponses de ma fille en mathématiques :

Moi : "Je ne comprends pas, quand je lui demande combien font 5 + 8, elle me répond 58. Et si je lui dit que c'est faux, elle me dit que ça fait 85. Quand je lui dis que c'est toujours inexact, alors elle répond un peu n'importe quoi, au petit bonheur : 26, 42, 67... Vous savez pourquoi ?"
Elle : "Eh bien c'est simple, elle est nulle en maths ! Mais vous savez, ce n'est pas grave : il n'y a pas besoin des maths pour passer au CE1 !"
J'ai été très surprise par la réponse et ce qu'elle induisait. Donc parce qu'il n'y a pas besoin des maths pour entrer au CE1, l'institutrice s'en fiche royalement de savoir que ses élèves sont nuls dans cette discipline ? Mais si vraiment on n'a pas besoin des maths, alors pourquoi les enseigner dès le CP ? Ne serait-ce pas plus efficace alors de ne les enseigner qu'à partir du CE1, histoire de mettre le paquet sur la lecture et l'écriture en CP (ce qui est une option qui pourrait se défendre, somme toute). Ou bien encore, puisque les maths sont malgré tout enseignées dès le CP, le fait d'avoir en face de soi un enfant "nul" en maths ne doit-il pas au moins forcer une interrogation de la part de l'instit, soit sur la méthode employée pour l'enseignement de cette discipline, soit sur les capacités de l'enfant ? Peut-on réellement dire d'un enfant qu'il est "nul en maths" et le cataloguer comme tel, de manière plus ou moins définitive, sans rien mettre en oeuvre donc pour le sortir de sa "nullité" ? Sans rien faire pour lui donner une chance d'être "moins nul" ?

Visiblement face à une fin de non recevoir, j'ai préféré attendre le CE1 pour refaire le point avec la maîtresse (une autre !) et mettre en place une stratégie pour aider ma fille à sortir de cette étiquette "nulle en maths" qu'on lui avait collée sur le front dès le CP. Sur les conseils de la maîtresse, je suis donc allée voir le médecin qui a prescrit un bilan chez l'orthophoniste et dix séances pour commencer, au cas où ces séances seraient nécessaires. Bien lui en a pris : au mois de novembre, le "verdict" est tombé : dyscalculie.
Au passage, je dirais que quand même, le fait d'avoir un diagnostic, ça m'a un peu soulagée : si il y a un diagnostic, c'est que le problème est identifiable, connu, et que donc on peut peut-être y faire quelque chose, ce qui n'est pas le cas si l'enfant s'avère "nul en maths" sans autre explication. Donc dans la foulée, nous avons pris les premiers rendez-vous avec l'orthophoniste et commencé les séances de rééducation.
Ces séances se sont poursuivies pendant tout le CE1, le CE2 et le CM1, avec de nets progrès cette dernière année, au point que Noémi arrivant à saturation, l'orthophoniste a préféré faire un arrêt à la fin de l'année pour ne pas la dégoûter des maths (ce qui pourrait arriver si on s'acharnait alors qu'elle ne veut plus continuer à ce moment-là).

Cette année, Noémi est en CM2 et n'a toujours pas repris les séances d'orthophonie. Pour une simple raison : l'orthophoniste n'a plus aucun créneau horaire disponible dans la semaine. Il faut donc attendre la fin de l'année scolaire pour éventuellement obtenir un autre rendez-vous et poursuivre le suivi si nécessaire.

Soit. Mais en ce qui concerne les apprentissages scolaires et les maths en particulier, si ça allait mieux à la fin du CM1 et au début du CM2 (jusqu'à Noël environ), il n'en est plus de même en ces premiers mois de l'année 2013. Il m'a donc semblé inévitable de reprendre le taureau par les cornes et de faire quelque chose pour l'aider, même si ce quelque chose n'est qu'un palliatif en attendant la reprise de l'orthophonie qui semble donner de bons résultats.
Je me suis donc renseignée un peu plus avant sur la dyscalculie. Tout d'abord, la dyscalculie, c'est, comme son nom l'indique, un trouble des apprentissages surtout liés aux mathématiques. Logique, me direz-vous. Mais c'est en réalité un peu plus complexe que cela, puisque le trouble lui-même semble lié plus au passage du concret à l'abstrait qu'aux mathématiques elles-mêmes. Alors il se trouve que la conséquence directe, c'est que l'enfant a des difficultés en mathématiques, mais ce n'est pas la seule matière où les choses sont difficiles, loin de là. Par exemple, lorsque, dans un texte, l'enfant dyscalculique rencontre des phrases complexes, avec par exemple des compléments circonstanciels un peu partout et des propositions relatives, la phrase en question peut vite devenir du Chinois. C'est ce que j'avais observé dès le CE1, quand Noémi ne comprenait pas bien des consignes complexes (comme par exemple : "Avant d'aller te mettre en pyjama, n'oublie pas de te laver les dents", où l'ordre des actions est inversé, contrairement à "Tu vas d'abord te laver les dents, et ensuite tu iras te mettre en pyjama"). J'en avais parlé à la maîtresse qui m'avait dit que Noémi comprenait parfaitement tout ce qu'elle lisait, qu'il n'y avait donc pas lieu de s'inquiéter à ce sujet. Sauf qu'en CE2, elle a retrouvé la même classe, dont Noémi bien sûr, et s'est alors rendu compte qu'effectivement, les textes étant plus complexes, Noémi peinait de plus en plus à les comprendre. Cela s'est bien sûr confirmé en CM1 et maintenant en CM2.

Alors face au vide laissé par l'orthophonie, j'ai eu un peu plus de temps pour me renseigner. Ma petite soeur, médecin à Brest, a assisté à une conférence (ou à une formation, je ne sais pas bien) relative à ces problèmes justement. Il apparaît, selon ce qu'elle m'en a dit, que les "dys" seraient liés à une mauvaise connexion entre le cerveau gauche et le cerveau droit. Sûrement.
Par ailleurs, en interrogeant une psychologue de ma connaissance, j'ai appris qu'il y avait diverses origines aux "dys", dont deux en particulier : l'une génétique et l'autre psychologique. En clair, cela signifie par exemple qu'il pourrait y avoir plus de risque d'un "dys" chez un enfant de "dys", d'une part, et qu'un trouble psychologique lié à un traumatisme affectif par exemple pourrait déclencher les choses ou les aggraver selon les cas. Sans doute aussi.
Et puis, nous sommes tombés un peu par hasard sur une autre possibilité, Noémi présentant une déminéralisation dentaire prononcée depuis la pousse de ses dents définitives. A priori, cela n'a strictement rien à voir, mais c'est sans compter notre dentiste, papa d'un enfant d'un an de plus que Noémi, présentant la même maladie dentaire qu'elle. Lors de la première consultation avec Noémi alors qu'elle était en CE1, il m'a posé des questions assez éloignées a priori des problèmes qui l'occupent, à savoir la santé des dents de ses patients :
- Est-ce qu'elle a eu de la cortisone quand elle était bébé, en tout cas avant deux ans ?
- Est-ce qu'elle présente des troubles de l'apprentissage type dyslexie, dyscalculie ou autre ?
À ma réponse positive (et fort étonnée) aux deux questions, il m'a expliqué la chose suivante :
Sur 4000 patients, il en a 4 qui présentent une déminéralisation dentaire. Tous sont d'âge scolaire (entre 6 et 11 ans), tous les quatre présentent des troubles de l'apprentissage, et tous se sont vu administrer de la cortisone à haute dose au cours de leurs deux premières années. Dans le cas de Noémi, il s'agissait d'un violent eczéma soigné par cortisone entre 3 et 6 mois. Devant la recrudescence de l'eczéma à l'arrêt du traitement, et ce malgré le scrupuleux respect de la posologie et de la diminution progressive des doses, nous avions à l'époque pris la décision d'utiliser l'homéopathie, même si cela induisait un traitement plus long et visiblement moins efficace à court terme. Il s'est finalement avéré bien plus efficient que la cortisone, puisqu'en six mois, l'eczéma avait totalement disparu et n'est plus revenu, du moins plus sous la forme que nous avions connue.
Restait à comprendre comment la cortisone et la déminéralisation dentaire pouvaient être en lien avec la dyscalculie. C'est encore une fois la psychologue qui m'a éclairée : il apparaît maintenant que la cortisone, administrée à un enfant entre 0 et 18 mois, peut modifier sensiblement l'ADN du bébé. On retrouve donc là la "piste" génétique, mais sans aucun rapport cette fois-ci avec un parent dys...

Seulement, avoir une idée de l'origine du trouble, c'est bien, mais ça n'aide pas du tout à le régler, d'autant plus qu'il est impossible de revenir en arrière (j'aimerais bien pouvoir remonter le temps et ne pas administrer de cortisone à mon bébé, mais cela est pour l'instant impossible. Pourtant, ça aurait été un bon moyen de vérifier la validité de la théorie "cortisone" dans l'apparition de la dyscalculie...). Il a donc fallu commencer à chercher des solutions, et c'est mon père qui m'en a fourni au moins le début, en assistant lui aussi à une conférence qui semble avoir totalement changé sa perception des choses.
Cette conférence faisait intervenir Elisabeth Nyuts qui a travaillé pendant trente ans auprès de personnes comme Noémi, souffrant de diverses "dys". Il semble qu'elle ait réussi à aider plus de 1000 patients, en faisant régulièrement des allers-retours entre la théorie et la pratique. Au final, il semble que les personnes (adultes ou enfants) atteints de ces troubles aient besoin plus que les autres de parler pour comprendre ce qu'ils lisent, calculent, font... C'est bien sûr un grossier résumé, alors n'hésitez pas, pour en savoir plus sur les observations d'Elisabeth Nyuts, à aller voir son site.
Alors bien sûr, ce n'est pas "magique". Il ne suffit pas de faire parler l'enfant, encore faut-il déconstruire d'abord ce qu'il a appris de travers et ensuite lui faire réapprendre ce qu'il n'a pas compris. Cela nécessite du temps, des efforts, et une pédagogie particulière. Ce qu'explique Mme Nyuts est en particulier basé sur le type de personne à qui on a affaire : est-ce un visuel, un auditif ou un kinesthésique ? En gros, est-ce qu'il mémorise par la vue, par l'ouie ou par le toucher allié à la vue et à l'ouie ? Elle a observé que les premiers, les visuels, ne représentent qu'environ 5% de la la population occidentale, les auditifs représentant 25% et les kinesthésiques une grosse majorité de la population. Or les enseignements scolaires, dès le CP, sont basés essentiellement sur la vue, en particulier la lecture. Les enfants sont très vite amenés à lire en silence, rapidement. Or cette méthode, si elle convient très bien sans doute aux visuels, n'est pas du tout adaptée aux autres... c'est-à-dire 95% des enfants. Sauf que les kinesthésiques peuvent aussi mémoriser grâce à la vue, même si ce n'est pas leur moyen de prédilection, faisant ainsi illusion. On arrive donc à 5% d'enfants pour lesquels cette méthode est très efficace, et 25% pour lesquels elle semble totalement inefficace, les auditifs n'ayant pour le coup aucune mémoire visuelle. La solution trouvée par Elisabeth Nyuts consiste à associer à la vue la parole. En gros, l'enfant doit lire tout haut (ou chuchoter en classe) pour mieux comprendre ce qu'il lit. Cela s'applique bien sûr pour les dyslexiques, pour lesquels cette technique a l'air d'améliorer considérablement leur compréhension des textes, mais aussi pour les dyscalculiques, pour qui les énoncés des problèmes ou les consignes de mathématiques sont très obscures et empêchent donc toute résolution de problème. 

Donc nous voilà repartis pour de nouveaux essais et, j'espère, quelques solutions. En tout cas, contrairement à ce que je pensais, la dyscalculie (et les autres "dys" avec) ne sont pas des handicaps ou des troubles mentaux, rendant impossible ou extrêmement difficiles les apprentissages, et ce de façon définitive. Ce sont en réalité des dysfonctionnements qui peuvent être résolus avec le temps et une bonne prise en charge. Ce qui laisse l'espoir aussi d'une vie plus "normale", moins décalée, et surtout d'apprentissages réussis, si tant est qu'on s'adresse à l'enfant dans une "langue" qu'il peut comprendre et qu'on lui laisse la possibilité de verbaliser. 
Le problème majeur est là, en réalité. Dans une classe de 25 élèves comme celle de Noémi, il semble en effet difficile de permettre aux enfants de lire à voix haute. Outre le bruit incessant, il y a fort à parier que ce serait difficilement supportable pour l'instituteur ou l'institutrice et que cela pourrait empêcher certains enfants de se concentrer s'ils ont besoin de silence pour le faire. Il n'empêche que si la solution est vraiment dans la parole, il serait peut-être bon de repenser les enseignements à l'école, notamment primaire, et leur organisation, histoire de permettre aux enfants d'apprendre dans de meilleures conditions et surtout de réussir dans leurs apprentissages.
Enfin, il faudrait aussi que les enseignants soient mieux formés à ces troubles des apprentissages, de manière à éviter les discours insupportables du type de celui que j'ai rencontré quand ma fille était en CP. Outre le fait que cela catégorise immédiatement l'enfant et son trouble, cette réaction donne aussi un alibi à l'enseignant qui ne veut pas se remettre en question pour laisser l'enfant dans cet état sans lui donner une seule chance de progresser, puisque cela sous-entend que "cela ne sert à rien : de toute façon, il (elle) est nul(le)". Et puis, c'est difficile pour un enfant, pour un parent, d'entendre un tel jugement, une telle condamnation...

Nous ne sommes donc pas au bout de nos peines, mais au moins avons-nous l'espoir que les choses peuvent changer...

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